Mis à jour le 7 avril, 2024
Aller rencontrer un menuisier-ébéniste pour faire construire un meuble sur-mesure ou faire restaurer la commode héritée de grand-mère, c’est à chaque fois faire un petit voyage dans l’histoire. Ces artisans, qui travaillent souvent seuls, sont des passionnés.
Les menuisiers-ébénistes ont eux-mêmes souvent bien du mal désormais à expliquer la différence entre ces deux métiers. L’ébéniste était à l’origine celui qui réalisait des plaquages de bois précieux sur du bois blanc quand la tradition était encore à la création de meubles en bois massif réalisés par les menuisiers.
Le métier s’est considérablement développé quand l’Angleterre, en lutte avec la France de Napoléon, a imposé un embargo maritime. La source de bois précieux tarie, les ébénistes ont permis de contourner le problème.
Sauf qu’aujourd’hui l’ébéniste est celui qui fait les meubles quand le menuisier s’occupe plutôt des assemblages et du bois dans une maison (poutres, combles, etc.).
C’est pourquoi, dorénavant, il est plutôt fait mention du menuisier ébéniste qui va savoir aussi bien créer des volets ou des portes que reconstituer un salon du XVIIIème siècle en bois massif. En tout état de cause, le métier est vaste et demande de larges compétences techniques. Des connaissances approfondies de l’histoire de l’art sont nécessaires, ne serait-ce que pour éviter les fautes de style et pouvoir faire la différence entre le vrai Henri II qui date de la Renaissance et le faux Henri II qui date du début du XXème siècle.
Ironie de l’histoire, aujourd’hui le bois est disponible en abondance (pour combien de temps encore pour le bois précieux ?) et la mode est au retour du meuble en bois massif tandis que le plaquage (appelée désormais marqueterie) est devenue une spécialité très coûteuse.
Le menuisier ébéniste va donc effectuer pour vous trois types de travaux : des travaux courants comme la création de volets ou de portes, des travaux de restauration de meubles et enfin des travaux de création de meubles. Pour tous ces travaux, l’ébéniste saura vous conseiller ou réaliser vos projets soit en vous proposant lui-même des esquisses et de la documentation, soit à partir de documents (plans, photos, etc.) que vous lui fournissez. Ainsi, la table de jeu égyptienne (cf. photo ci-contre) a été reconstituée et construite à partir de quelques lignes qui y faisaient référence dans un vieux texte égyptien.
Pour ce qui concerne la restauration, le but de l’ébéniste est de redonner à votre meuble son cachet initial. Pour cela, il doit comprendre quand et comment fut construit l’objet et dans quel but. Cela nécessite souvent une recherche historique, d’autant plus importante que le meuble est âgé. Tous les ébénistes auront ainsi des histoires de tiroirs secrets ou de mécanismes astucieux à raconter. Cela peut sembler anecdotique mais s’il s’agit par exemple de remettre des portes à une armoire trois fois centenaire, ce genre de détail revêt une importance capitale.
Les connaissances historiques sont également importantes pour la construction de meubles ‘anciens’ car il ne s’agit pas, là encore, de mélanger les styles. Un ébéniste doit donc pouvoir vous convaincre de ses compétences en ce domaine au moins autant que pour ce qui concerne ses compétences techniques. Pour la création de meubles contemporains, la question ne se pose pas et l’ébéniste saura réaliser pratiquement tous vos désirs.
Autant la création de volets peut être réalisée rapidement, autant les délais pour la restauration ou la création de meubles peuvent être longs. En effet, dans ces derniers cas, un travail de réflexion en amont s’avère souvent indispensable et, pour des projets difficiles, peut prendre plusieurs mois. D’autant que l’ébéniste ne réalise pas un tel projet d’une seule traite. Il ne faut donc pas être trop pressé, sans compter que les bons ébénistes ne manquent pas de travail.
Même chose pour les prix. L’artisan vous donnera un prix fixe pour une paire de volets mais il ne peut vous proposer que des estimations pour les projets plus élaborés car il compte en heures de travail. Il y a rarement de gros écarts entre l’estimation et le prix final mais ce n’est pas la peine de lui demander un prix fixe d’entrée de jeu, du moins avant que l’ébéniste ait eu l’occasion d’avoir une idée claire du travail requis. Dans le cas contraire, méfiez-vous : un travail bâclé sur votre commode Louis-Philippe ne se rattrape pas facilement. En ce domaine, le moindre coût est l’ennemi du bien et, au final, de la valeur de votre meuble.
Environ la moitié des ébénistes travaillent seuls tandis que les autres travaillent dans une entreprise. L’avantage des premiers est qu’ils peuvent consacrer plus de temps à la recherche et donc s’atteler à des projets ardus, quitte d’ailleurs à les facturer parfois moins chers que leur vraie valeur, tandis que l’avantage des seconds est de pouvoir réaliser des projets plus rapidement dès lors qu’ils ne sont pas d’une complexité excessive.
Parce qu’il est difficile au profane de reconnaître la patte d’un bon ébéniste ou celle d’un ébéniste médiocre, le relationnel est donc très important. N’hésitez donc pas à discuter longuement de votre projet et à tester les connaissances de votre interlocuteur et l’interroger sur sa formation. Pour un projet onéreux, il est recommandé d’en rencontrer plusieurs. Gardez à l’esprit également qu’un ébéniste saura vous conseiller lors de vos achats de meubles anciens chez les antiquaires : il saura en quelques minutes faire la part du faux et du vrai, entre par exemple une porte XVIIIème d’origine et une porte XVIIIème ‘neuve’ au bois vieilli.
Christophe Leray
Article réalisé avec la collaboration de Didier Langlumé, ébéniste à Sarrians (84) et photos courtoisie de Didier Langlumé.